Les Caprices de Marquise

ou Quand je serai grande je serai vampire !!

un…deux …trois…quatre…

[…]

cent une…cent deux….oh la la je me demande si je vais savoir compter jusqu’en haut… erf… Elle s’arrête un instant, effleure de ses longs doigts la pierre taillée puis sort ses crayons et dessine sur la lisse surface un cœur percé d’une flèche dans lequel elle inscrit son nom. Elle hésite un instant, ajoute celui de son hôte suivi de forever qu’elle souligne à plusieurs reprises. Elle penche la tête et admire son œuvre quelques secondes. Elle porte alors son regard en contrebas pour y voir tous les mots colorés qu’elle a laissés sur les lieux. Marquise was here… aie aie aie . Elle sourit, ravie à l’idée d’avoir laissé une trace sur un monument historique. Elle contemple une dernière fois son petit cœur et se remet en route vers l’ascension de cet escalier interminable qui la mènera auprès de son ami.

Ah… elle a bien grandi ces derniers temps. Pour autant, sait-elle réellement la portée de ce qu’elle écrit dans les petits recoins, sur les pierres scellées de cette citadelle ? Peut-être…
Pour l’heure, elle admire les rais lumineux qui percent les murs à travers les étroites ouvertures disposées régulièrement le long de cet escalier hélicoïdal, ils inondent de leur chaleur les marches qu’elle arpentait en sautillant. L’heure approche… L’imminence de son retour au repaire fait naître en elle des sentiments ambivalents. Elle se réjouit de retrouver ses joyeux compagnons au repaire, elle rit d’avance des facéties qu’ils réservent à leur entourage, de gré ou de force, et soudain c’est une vague pression qui vient s’abattre sur sa poitrine. Et la pression va crescendo à mesure que ses battements de cœur eux s’emballent à leur tour. Elle balaye tout l’espace alentour du regard, la main sur la gaine de son épée. Pas de mages en vue… comment… Elle s’assied un instant sur les marches, admire de nouveau ce soleil radieux à travers la meurtrière. Dans quelques heures il marquera la fin de son temps en ces lieux. Elle comprend alors. A la tombée du jour, quand elle ira gaiement retrouver les siens, il ne sera pas à ses côtés. Et elle repense à ce jour, et elle ne veut plus que son départ redevienne une réalité possible. Je veux que l’on reste ensemble pour l’éternité, je veux que l’on continue de s’amuser ensemble pour toujours. étaient les paroles qu’elle lui avait tenues à plusieurs reprises peu de temps auparavant. Il fermait toujours la discussion, ne la prenait pas au sérieux mais surtout, se refusait à lui ôter ce qu’il estimait la plus belle chose que l’on puisse avoir, la vie. Qu’à cela ne tienne, elle s’était rentrée tout cela dans son petit crâne, ça ne pouvait être que la bonne solution. Oui la première idée est toujours la meilleure ! se convainc-t-elle en terminant de gravir les dernières marches sans plus les compter.

Elle le retrouve, il est toujours aussi souriant. Elle lui montre ses petits forfaits, il en rit et s’interroge sur les dires éventuels d’une fille dont elle ignore le nom. Elle lui parle de choses et d’autres, de jeux etc… Ah oui c'est vrai je n’y avais pas pensé...On fera ça la prochaine fois lui répond-t-il en lui adressant un clin d’œil. Et tout d’un coup elle lui glisse : Alors quand pourrai-je devenir comme vous ?


hum...
*réfléchit*
Tu veux vraiment devenir comme moi? Donne moi une raison qui te pousse à le faire et j'y penserai.
*sourit*

Se rend-t-il compte à cet instant-là de sa détermination ?

euh...pour être comme vous c'est tout... comme ça je pourrai être avec vous... mais si vous refusez... ce n'est pas grave, après tout il faut un vampire ? N’importe lequel sûrement peut faire l'affaire...non?

*part dans ses délires*

Marquise ! mais tu perds la tête?? euh non non !

C'est sûr que ça ne fonctionne pas si c'est quelqu'un de normal qui le fait ?

Je vais demander à Zaelyia qu'on essaye...

Il faut être vampire pour le faire...
Je ne sais pas pourquoi je fais ça...
J’avais juré de ne plus le faire...

*se relève et ramène Marquise vers lui*

Il contemple Marquise. Elle est jeune, très jeune...Le sang qui coule en elle se reflète à ses yeux de vampire. Un sang pur, celui d'une innocente. Un froid glacial envahit la pièce. Toute lumière disparaît alors qu'il s'approche d'elle et l'enlace. Immobile, de peur ou d'effroi, elle se laisse faire. Un cri...Une petite morsure...L'odeur du sang ranime des souvenirs lointain. Celui de massacres quotidiens, d'ivresse, de nuits passées à poursuivre ses proies...
Le silence retombe dans la pièce. Il la regarde, évanouie dans ses bras, et la pose doucement sur son lit.
Deux petites traces témoignent de ce qui est en train de se passer.

Il attend patiemment son réveil. D'un geste brusque, il plante un couteau dans sa main. Il regarde le sang qui coule et lui dit :
C'est ton choix...Tu n'as plus qu'à boire volontairement de ce sang, et tu seras comme moi.

Marquise se réveille lentement. Elle entrouvre les yeux et l’aperçoit à ses côtés. Monsieur… le vampire…j’ai froid… Froid…trop froid… Elle lui agrippe la main. Elle est brûlante…Tiens ? depuis quand un vampire …C’est étrange… Elle ouvre brusquement les yeux et observe ce liquide rouge qui goûte abondamment sur elle. que… Son cœur bat à tout rompre… non ce n’est pas son cœur… c’est le sien ? Non lequel est-ce ? De sa main libre elle effleure sa nuque et tout lui revient en mémoire. La manière dont elle a insisté auprès de lui, celle dont il a cédé à contre cœur sachant qu’elle irait au bout de sa décision aussi folle soit-elle… La morsure acérée dans sa chair, et sa vie s’échappant peu à peu de son corps. Les frissons…les sensations… elle les ressent de nouveau…et tressaille. Soudain, elle écarquille les yeux. « C'est ton choix...Tu n'as plus qu'a boire volontairement de ce sang, et tu seras comme moi. »
Elle doit le faire, maintenant, il a le sien, elle aura donc celui qui s’écoule en lui. Elle lui sourit faiblement et approche avec une infinie lenteur sa main de ses lèvres. en es-tu sûre ? Tu ne sais ce qui t’attend… Et alors ? je saurai aussi comme cela…arg… Elle le regarde droit dans les yeux et commence à goûter ce sang chaud. Au fur et à mesure qu’elle le boit, sa tête se met à bouillonner oh !! mieux que les potions noires !!, elle a envie d’éclater de rire mais elle ne le fait pas, elle continue, affamée, elle sent son corps se réchauffer, récupérer ce qui lui manque tant, ce qu’elle a tant voulu. Tous ses sens s’éveillent alors, l’odeur âpre du sang l’enivre, son goût amer envahit son palais et sa main si chaude commence à trembler… elle la relâche alors et contemple le nouveau monde. Rien n’a changé, chaque chose est à sa place, de la même façon qu’auparavant, pourtant les couleurs, les formes, quelque chose… tout est différent. Elle s’émerveille.

Ses pupilles se rétractent brusquement, elle vient de réaliser. Tout autour d’elle, les objets ont perdu leur substance. A travers la fenêtre, les nuages qui défilent dans le ciel ne semblent plus ni proches ni loin, ils restent comme figés, suspendus dans un temps infini, les rayons du soleil se meurent en s’écrasant lourdement au sol. Le mont qu’elle apercevait autrefois de cette ouverture, oui maintenant il s’agira toujours d’autrefois même s’il s’agit d’hier, se dessine dans ce paysage maintenant si plat et morne. Elle se sent soudainement étrangère à ce monde, l’ancien celui qu’elle avait toujours connu. Cette saveur, cette vivacité en chaque chose, est partie. Non, c’est elle qui l’a quitté. Les ombres, elles, en revanche ont gagné en profondeur, elles semblent mouvantes. Elles se glissent d’un recoin à l’autre, passent subrepticement de tel meuble à tel autre. Elle les suit du regard, même dans la pénombre elle pourra maintenant les distinguer. Elle pressent qu’elles seront de précieuses alliées. Elles lui ouvriront les bras pour qu’elle puisse se fondre en elles, elles lui indiqueront la vie en toute chose, en tout être car à ses yeux, désormais, tout ce qui l’entoure s’inscrit sur une page qui se tournera aussi rapidement qu’un claquement de doigt dans ce temps qui s’étire à jamais, dans l’éternité. Elle décide de garder comme gravé sur le coin de son œil les dernières images de sa vie passée et referme ses yeux pour un instant. Maintenant tu entrevois ce que sera ton futur, il est noyé dans la nuit des temps, tout comme chaque événement, chaque pensée, chaque sentiment, chaque sensation, tout perdra son sens, voilà ce que tu as donné… oui…non… si tout se mêle dans les affres de l’infini, alors nous danserons sur le fil de ce temps…

...hmm…

...soit…

Elle frissonne légèrement, regarde enfin celui qui lui a ouvert les portes de son monde. Elle lui sourit, sa main ne saigne plus, sa plaie s’est refermée. Elle se tient debout sur le lit, s’approche de lui, lève sa main vers son visage, la laisse en suspens un instant, le temps d’une hésitation, puis elle laisse aller ses doigts sur ses traits aujourd’hui si graves. Alors elle tend ses bras vers son cou qu’elle enlace pour se hisser contre lui. Elle repense à certaines de leurs paroles. Alors nous n’aurons pas de buts tous les deux ensemble, nous nous amuserons pour l’éternité… Ces mots sortis de sa bouche autrefois résonnent encore dans sa tête, comme pour lui rappeler qu’elle a fait le bon choix. Elle se met à rire et lui murmure à l’oreille. On danse ?