SHAYATIN

shayatin

Un hurlement rauque s’amplifia, heurta la montagne et revint en écho démesurément grandi.
L’appel aux forces des ténèbres et du mal était lancé…

Une très sombre forêt de sapins, au sol recouvert d’un épais tapis d’aiguilles amortissant tous bruits, se dressait dans le lointain.
Un lac aux eaux noires, sombres, glauques s’étendait, profond et mystérieux, inquiétant même… il était entouré d’une épaisse forêt de chênes aux troncs noueux, déchiquetés, aux branches tortueuses aggripant méchamment au passage.
Les trouées se refermaient sitôt franchies, plongeant l’âme inconsciente du danger dans une angoisse profonde.
Les arbres frémirent de terreur au passage du hurlement rauque qui déchira le silence pesant, ils sentaient l’imminence de l’arrivée d’un épouvantable égrégore de colère…

shayatin

Les arbres se courbèrent et les branchent s’inclinèrent, la surface du lac aux eaux tranquilles se rida brutalement.
Brusquement la nuit noire étendit son voile épais qui enveloppa tout.
Dans un éclair aveuglant et un froid glacial apparut alors une forme recroquevillée qui grandit, grossit, se déploya tel un arc de lumière incandescent ; une odeur âcre de souffre emplit l’atmosphère.

La vie venait de s’arrêter…
Dans un silence effrayant elle ouvrit grand les bras, les yeux noirs aussi noirs que les vêtements qu’elle portait…
Sirama arrivait,
dans une violence extrême pour hurler toute sa colère et sa haine.
Elle ne marchait pas, elle glissait parmi cette nature démoniaque ; tous dans un élan majestueux reculèrent d’un pas, en n’osant pas la regarder, tant ce qu’elle dégageait était terrifiant.
Il n’y avait plus en Sirama une once d’amour, pas le moindre sentiment, si ce n’est, celui du ressentiment envers les êtres qu’elle avait aimés et dont elle avait cru être aimée.

Elle se remit à hurler, tout n’était que cri et désolation, elle se mit au milieu des flammes de l’enfer sans sentir la moindre souffrance, ni la moindre brûlure.

Une lutte infernale allait commencer entre elles deux…
Sirama l’amoureuse et Sirama la démoniaque.
Si dualité il n’y avait pas jusqu’ alors, dualité il y aurait maintenant !!!

Elle se retourna brusquement, se mit à rire en voyant cette pauvre âme, dans un geste lent et sadique, elle enfonça sa main dans les entrailles de Sirama la douce, celle là même qui est restée près de sa famille qui sans cesse se relaie pour la garder en vie.

-Que crois-tu pauvre idiote ? Crois tu que tu arriveras à me vaincre ?


…MOI DEESSE DES TENEBRES, DEESSE DU MAL PERSONNIFIE

j’arracherai ton cœur, je boirai ton sang jusqu’a la lie, plus rien de toi n’existera, aucun amour n’existera en toi, j’entrerai en toi, déchiquetterai chaque partie de ton corps, je serai toi, je prendrai ta place. Il mourra de chagrin de t’avoir aimé, elle regrettera de t’avoir connue, toute personne gravitant autour de toi mourra.

Les arbres qui étaient courbés, les branches qui étaient inclinées se redressèrent, toute la forêt, la montagne, le lac, résonnaient dans un rire diabolique.

Sirama la main enfoncée dans les entrailles de Sirama la belle, toucha le cœur et commença à le serrer………………

Marquise suivait d’un pas mal assuré Antony jusqu’à la serre. Les plaies de Sirama avaient été pansées, son corps attendrait le retour de son âme pour revivre. Le prince plus pâle que jamais l’embrassait de tout son corps, il tentait désespérément de conserver sa chaleur, refusant de la voir partir mais son regard trahissait ses craintes. Ça Marquise le comprenait parfaitement. Il était désemparé, elle ne connaissait que trop bien ce sentiment. Elle regardait passive les événements se dérouler sous ses yeux, faisait les 100 pas, essayait de trouver une solution qui bien évidemment ne pouvait arriver dans son petit esprit fort peu au fait des évolutions de l’âme….

Shayatin….Shayatin... Ce mot, ce nom, ces sensations vinrent marteler son esprit alors qu’elle tendait la main vers Antony pour la poser sur son épaule. Leur regard s’était croisé, embué, empli d’incompréhension mais à cet instant précis, ils avaient été sûrs d’une chose, ils se comprenaient, complices dans les plus forts moments de leur vie ils le resteraient, là aussi, face à l’adversité, dans ces périodes de flottement. Au moment même où elle fut envahie de toutes ces impressions surgies d’un autre monde, son regard se vida de nouveau pour faire place à l’obscurité. Elle se recula de quelques pas et regarda Antony de nouveau. Les images se brouillèrent, les visages se superposèrent. Aba… ???...Anto… Puis elle s’assit lentement, sondant maladroitement de ses mains l’espace qui se trouvait derrière elle et ne bougea plus. Absente…

Le lac… ce lac….ainsi tu es venue malgré tout, non, une part de toi est venue et y a entraîné une autre partie de toi…

La nature, cette nature qui avait ployé à l’arrivée de Sirama, se tourna vers la silhouette nimbée d’un bleu rougeoyant qui venait de faire son apparition, les ricanements se turent laissant place au silence. Elle s’avança vers elle et la toisa de haut en bas.

Je vous connais, je vous observe depuis longtemps, depuis votre arrivée sur les terres d’argent.

Un sourire bienveillant flottait sur ce visage serein. La pierre qui ornait son diadème se mit à flamboyer d’une aura bleutée électrique.

Ce territoire est peut être tien, mais je conserve toujours mon mot à dire sur les allées et venues de CES mondes. La porte des -§- Enfers -§- n’est plus si bien gardée depuis quelques temps mais je veille toujours…tant que notre flamme scintillera…
Mais et toi Sirama, tu parles du mal personnifié, mais sais tu ce qu’est l’engeance même du mal ? N’as-tu pas encore compris ? Tu es trouble, vous êtes trouble… Quel que soit le chemin que tu emprunteras, tu n’auras de cesse de vouloir exterminer ce qui te dérange or le monde n’est pas régi par ces lois et tu n’y couperas pas. Sache que les pires démons ne sont jamais parvenus à se débarrasser de leurs fardeaux, leurs faiblesses…Continue à te torturer comme tu le fais, tu ne gagneras rien, sinon te perdre pour toujours. Est-ce là ce que tu désires ?


Des ombres se profilaient derrière elle, elles s’amassaient, grouillaient en tout sens, un vrombissement sourd se mit à percer l’inquiétant silence environnant. Le sourire de la prêtresse des -§- Enfers -§- se transformait peu à peu en un sourire légèrement narquois, attendant une réponse de celle qui était en train de se damner à jamais sous ses yeux.

-Oh prêtresse des enfers "au sourire bienveillant flottant sur un visage serein " " nimbé " d’un bleu "rougeoyant" "dans une aura bleutée"……

Sirama éclata d’un énorme rire.

-QUI CROIS TU ETRE ? Ton aspect bienveillant n’est certainement pas celui d’une prêtresse des enfers !!!!!

-Tu as raison dans ton rôle d’ANGE moralisateur, qui n’a pas le langage d’une "souriante" prêtresse des enfers qui devrait plutôt se réjouir à la venue de la DEESSE DES TENEBRES.

-Tu n’as rien à faire ici : tu t’es trompée de porte !!! ce monde ne t’appartient pas.
Retourne d’où tu viens.

-Ta flamme SCINTILLANTE appartient à la Lumière.

Je ne comprenais pas ton langage précédent.
Celui-ci me convient.

Mais comment peux tu être Ombre et Lumière ? Tu dis que tu veilles sur la porte des enfers, tu dis que tu es la prêtresse des enfers, si tel est le cas tu ne peux être Ombre et Lumière à la fois car la dualité est l’apanage des humains.
Il te faut choisir l’Ombre si tu es prêtresse des enfers parce qu’autrement ta confusion est aussi grande que celle de Sirama qui ne cache pas sa dualité.
Sirama est humaine, elle peut donc être Ombre et Lumière.
Pour le moment c’est sa part d’ombre qui parle et laisse la parler car sa violence est telle qu’elle doit s’exprimer.

Sirama la diabolique en aucune façon ne veut vous rejoindre.
Vous accordez votre crédit à Sirama la diabolique qui seule en ce cas peut s’exprimer, Vous faites son jeu car ta soi-disant part de lumière est en train d’abandonner Sirama la douce à qui Vous devriez aller parler.

Toi qui apparemment dis tout savoir, vois alors cette lutte et écoute

Elle vient de lire dans les pensées de la douce, elle y voit cette femme, elle voit son nom se graver de lui-même sur le chêne, Canelle.

-Sirama l’amoureuse que fais-tu ? Tu crois que je ne vois rien ? Que je ne connais pas tes pensées ? C’est donc cela l’amour ? L’amour pour cette Canelle ? Je te croyais plus intelligente que cela, n’as-tu pas vu qu’elle n’est que mensonges, folie meurtrière et confusion mentale ?
Tu me déçois.
-Regarde toi pauvre idiote, tu te meurs et où est-elle ? Où est celle pour qui un instant tu as eu un amour insensé ?

-OÙ EST ELLE ?

-tu meurs et elle n’en a que faire.
Avant de te donner à elle, la connaissais-tu ? Savais-tu qu’elle est le mal ? Savais-tu pauvre chose sans cervelle que c’est elle la cause de ta mort ?

-ISHEI

Pas le moindre bruit ne se faisait autour d’elle, pas un bruissement de feuilles, les arbres ne riaient plus, le lac se figeait, la montagne entrait en elle-même, la nuit s’épaissit.

Sirama ne pouvait contenir sa violence.

-MEANDRES DES ARCANES

-Toi, Canelle, femme du mal comment n’oses tu pas venir te défier à moi ?
Toi qui as fait pleurer jusqu’au sang la dirigeante de ton temple, toi qui as lu pendant six longues années les manuscrits de la magie sombre, toi qui fais léviter les objets.

Toi femme glaciale, comment n’oses tu pas venir à moi ?

-Je ne peux croire que tu aies peur
Je détruirai l’ordre de l’alchimie, l’orbe brûlera sous mes doigts.

Tu ne seras plus rien.

Le vent venait de souffler dans une bourrasque qui déchira le ciel.
La nature entière se déchaîna : la terre s’ouvrit sur ses entrailles, les arbres craquèrent et s’abattirent, les eaux du lac se soulevèrent et disparurent en spirales au centre de la terre, dans d’affreux tourbillons.

Sirama, la diabolique, immense gerbe de feu, les bras tendus, regardant la nuit épaisse, redit :

Je te le redemande une dernière fois Canelle, viens à moi

La prêtresse écoutait ses paroles attentivement. Elle demeurait impassible. La détresse de Sirama ne l'émouvait pas le moins du monde. Les ombres qui s'amassaient derrière elle s'étaient rangées, elles observaient.

Citation :

Il te faut choisir l’Ombre si tu es prêtresse des enfers parce qu’autrement ta confusion est aussi grande que celle de Sirama qui ne cache pas sa dualité.

Elle hocha la tête. Peut-être qu'un jour tu comprendras, l'issue de ce combat te donnera peut être les réponses.

Sirama continuait à lui déverser ses doutes à travers cette part d'elle-même, mûe par une énergie désespérée, mais la gardienne restait de marbre.

Citation :

Toi qui apparemment dis tout savoir, vois alors cette lutte et écoute

Et oui Sirama, tu pensais que j'étais venue interférer ? Seul ton choix m'intéresse et seule toi peut mener ce combat quelle qu'en soit sa conclusion.

Elle la vit appeler de toutes ses forces cette tierce personne, celle qui semblait avoir tout déclenché en elle. Un léger sourire empli de desseins vint flotter sur son visage.

Bien.

L’air émit un léger sifflement lorsque les ailes décharnées le fendirent. L’ombre plana de longues minutes puis se fondit dans la masse obscure des falaises qui surplombaient le lac. Observant la Prêtresse des Enfers faire face à la nouvelle venue, le buveur de sang révéla sa mâchoire acérée, sourire sadique...

La spectacle qui s’offrait à lui était de toute beauté. Fière, la Prêtresse ne bronchait pas, observant son interlocutrice, ignorant ses attaques verbales. D’un simple geste, elle aurait pu broyer cette jeune humaine, déchaînant sur elle les foudres des Enfers. Elle n’en fit rien. Sage, les mots glissaient sur elle, impénétrable.

Debout devant elle, Sirama se dressait, agressive et provocante. Sa méconnaissance du rang de son interlocutrice ne faisait aucun doute. D’autres se seraient agenouillé, par respect ou par peur. Mais pas elle, elle se perdait dans ses délires schizophrènes, ignorant les conseils de la prêtresse.

Face à tant d’arrogance, le juge s’amusait. Il avait hésité à fondre sur sa proie, goûter son sang, se repaitre de son âme torturée. Quelque chose le retenait, simple intuition, il se contentait d’observer, d’écouter… Bientôt, il agirait…

Qu’attendais tu pour me broyer Prêtresse ? Comme le dit si bien Le Juge, et qu’attend il Lui pour le faire puisque je ne suis qu’une humaine ? Avais tu besoin Prêtresse d’un Juge face à moi ?
Vous avez repoussé le mal, que vous prétendez représentez!!!...

Si je dois me perdre Prêtresse des enfers, ou qui que tu sois d’ailleurs, je garderai la tête haute, tu peux me dire tout ce que tu veux, tous les mots ou demi mots, tu peux te prétendre ETRE alors que TU ES loin d’ ETRE ce que tu dis, tu peux te cacher derrière tes contradictions.
Je n’ai pas de détresse, mais de la colère, l’autre moitié de moi l’avait cette détresse et qu’en ont ils fait ? L’ont ils écoutée ? L’ont ils aidée ? Une seule fois ? Ne serait-ce qu’une seule fois ? Mais c’est vrai tu es la prêtresse des enfers, celle là même qui ne veut pas faire pâlir de peur ceux qui arpentent ces chemins ? Tu es sage !!! Et tu viens me faire la morale, mais QUI es-tu donc ? En quoi mon choix t’intéresse ? Quels sont les desseins dont ton sourire est empli ?

Je vais dominer Sirama la douce, parce qu'elle n’a plus rien à faire ici.


-Sirama Déesse des ténèbres, je t’ai entendue, je t’ai écoutée et je sais ta colère et ta violence :

Et quand bien même tu aurais raison Déesse, quand bien même tout cela est vrai, tu ne peux me tuer, sans te tuer toi-même, c’est la loi de la dualité, si loi il y a d’ailleurs !!!
Je vis dans un état d’expectative et d’ambiguïté, entre confusion et clarté, tu es née de cela.
Mais je me suis donnée la mort physiquement, tu es donc condamnée, seul reste mon souffle intérieur, dès qu’il aura cessé, et IL cessera car je ne veux pas que tu œuvres pour LE MAL, TU MOURRAS AUSSI.

Une lumière bleutée, d’une douceur indescriptible s’étendit sur toute chose.
Les eaux du lac réapparurent calmes, claires malgré leur profondeur.
Elles reflétaient les grands arbres soudain apaisés, frémissant au passage d’une légère brise.
Dans l’aube naissante la nature s’éveillait dans un chant fascinant s’élevant du sol.
Toute vie s’animait, des milliers de petits êtres palpitaient dans l’herbe.
La Vie était là…


Alors… le souffle intérieur de Sirama cessa.

Hum… C’est tout ? Tu penses berner ton petit monde ? Retourne auprès de celle qui fait flancher ton cœur si fragile, si plein de doutes…. Laisse-moi rire, tes questionnements ne sont que simagrées… Ta dualité n’est que fourberie. Quitte ces terres. Ce monde que tu proclames tiens sera scellé à jamais. Maintenant tu fuis, oh oui fuis tu as eu raison de le faire, les Enfers ne t’attendaient pas, et mens-leur, à eux, ces proches que tu accuses, comme tu sais le faire. Sirama la douce est-elle aussi différente de Sirama la Noire ? Tu connais la réponse. Maintenant, Déesse ou douce, Sirama je te dis adieu.

Un claquement de doigt retentit et toute vie s’arrêta soudain. Le ciel s’assombrit et sembla peser comme un couvercle sur cette nature désormais figée.
Elle se tourna vers le Premier Juge et hocha la tête.

Les ailes décharnées se déployèrent pour fouetter l’air. L’ombre plana l’espace d’un instant avant de fondre vers le sol. Le buveur de sang se redressa aux côtés de La Prêtresse, le regard fixé sur Sirama. La bouche du colosse de sang s’entrouvrit laissant sortir un râle de colère. La surface de son visage sembla s’animé, les fines gouttelettes de sang s’agitèrent, donnant vie aux tissus décharnés du Juge. Il se pencha en avant, le visage démoniaque renifla l’odeur de celle qui se dressait devant eux.

La mâchoire se desserra, laissant entrevoir les crocs acérés ruisselant de bave.

- Comment oses-tu te dresser devant nous ? Tu n’es rien, ni ombre, ni lumière... Ni démoniaque, ni bonne… Tu n’existe pas dans ce monde ! Il n’est pas le tien… Tu te dis démon… - le Juge colla son visage à celui de la jeune femme - tu n’es qu’une simple humaine en mal de sensations fortes !

Il se redressa, arborant un large sourire. L’énormes mains se leva et s’abattit sur le visage de Sirama, se gorgeant de son sang. Les yeux du buveur reflétèrent le visage lacéré, inhumain.

- Vois Sirama… Vois ce visage… Ton visage… Tu te prétendais démon… Te voilà marquée à jamais de l’empreinte des Enfers, de ce monde où tu t’es perdue, de ce monde ou tu n’es que fumée, qu’une illusion… Tu peux tricher avec tes semblables… Mais pas avec nous !

La gueule du démon s’ouvrit, béante, pour libérer la colère des Enfers. Le vent souffla brusquement. Une simple bourrasque, rien qu’une seule, et l’illusion de Sirama fut emportée à jamais, vomie par les Enfers…

Le jugement avait été prononcé, la sentence administrée...

Je suis contente de vous revoir vieux démon. Malheureusement je vais devoir écourter nos retrouvailles...

Elle afficha une mine légèrement dépitée à l'idée de ce qui l'attendait puis elle tendit la main vers la gueule du démon. Elle se dressa sur la pointe des pieds et lui déposa un baiser avant de se diriger vers l'autre monde.Ma petite tu vas être déçue... je t'avais bien dit pourtant qu'elle n'était pas prête à franchir ce monde...Allez réveille toi maintenant et ouvre les yeux...