Le pouvoir des fleurs

Antony

Avant de partir...

...vous envoler vers d'autres terres, j'aurais aimé vous offrir une rose noire... D’une résistance sans égale, son parfum aurait du vous plaire.

Quel dommage que vous soyez partie si vite...

Antony parcourait sa chambre en long en large et en travers en répétant à voix basse ces quelques mots qui se noyèrent dans le vide...

Sirama

*Pourquoi des fleurs sans parfum ? N’y a t'il pas des fleurs résistantes mais aux parfums subtils ? J’aime le parfum fin et délicat, Prince Antony je vous entends et je vous vois, je suis vos mouvements et serai prête à vous accueillir sur cette terre quand vous jugerez bon d'y venir.

Cherchez Prince Antony, je suis sûr que vous avez bien des trésors cachés dans votre chambre.*

Antony

D'où vient cette voix ? Antony s'assit sur son lit se prenant la tête à deux mains, son cerveau lui jouait des tours, il pensa un instant que le lait subtilisé la veille dans le bar du repaire ne devait plus être de première fraîcheur...

Les mots frappaient à la porte de son inconscient, comment pouvait-il l'entendre, elle qui était si loin...

Il saisit un morceau de parchemin et se rendit dans la volière du repaire. Quelques secondes plus tard, le pseudo dragon s'envolait vers Boudok, une rose au parfum envoûtant protégé par le morceau de parchemin humide...

Sirama

*Si vous saviez Prince ce qu'il en a été de cette balade, je fus blessée mortellement, je failli perdre votre délicate fleur, mais elle revenait à moi sans que je ne fasse quoi que ce soit, elle m'a redonnée la force à chaque fois de me relever, et si je ne l'avais pas eu? Aurai-je pu revivre?
Ah Prince la vie sur cette terre n'est pas faite pour une jeune mage, je ne sais pas encore ce que je ferai? Revenir ou rester?
Mais je ne parle que de moi et vous que devenez-vous? J’espère que vous ne vous sentez pas trop seul?*

Je pliai ma missive et dans un souffle léger elle s'envola vers le Prince

Antony

Le fleuriste parcouru la lettre et un frisson d'angoisse pris possession de son corps. L'imaginer blessée lui était insupportable... Il se réjouit tout de même à l'idée qu'elle ait gardé son présent.

Jolie Sirama,

La vie est certes très dure sur ces terres lointaines, surtout lorsqu'on se sent seul. A votre hésitation, je serai tenter de vous répondre de revenir près des votres... Peut-être pourrais-je alors vous faire découvrir cette nouvelle variété d'orchidée que j'ai enfin réussi à cultiver. Elle ne porte encore pas de nom, elle n'en portera pas... Je ne sais si je dois vous dire cela mais cette fleur vous correspond je pense, je l'espère même.

L'animation du repaire n'a pas cessé, apportant son flot de nouveaux visiteurs. J'évite pour l'instant de me mêler à eux, préférant pour l'instant la compagnie de mes fleurs... Elles me semblent parfois bien fades mais nous nous comprenons elles est moi...

A très bientôt je l'espère
Bien à vous
Antony

Il hésita quelques instants et griffonna nerveusement en bas de la lettre...

Vous me manquez.

Sirama

Je l’adorais cet oiseau qui m’apportais dans son bec une missive, nul doute que c’était Prince Antony, qui cela pouvait être d’autre ? Ici je ne connaissais personne et je ne recevais pratiquement jamais de courrier.

Je dépliai avec lenteur la lettre, puis lus et relus, m’attardant sur la petite phrase en bas ‘Vous me manquez’
Je regardais au loin, voyant tous ces dragons et aucune fleur, j’étais un peu étourdie, je n’arrêtais pas de dire ‘Vous me manquez, vous me manquez, vous me manquez’

J’étais trop solitaire, j’en voulais trop aux hommes pour me laisser envahir par ces douces paroles, pourtant mon Prince…

‘Prince Antony, revenir… oui je le pensais, parcourir avec vous vos orchidées… il existe une telle variétés d’orchidées, vous trouverez, je pense un nom qui leur correspond, fin, délicat, subtil, qui fasse rêver rien qu’en le prononçant.
C’est me faire trop d’honneur que de dire qu’elles me correspondent, je ne pense pas être délicate, subtile et dans la finesse, je cherche encore à comprendre ce que je suis, sans doute comme tout un chacun.
Les fleurs, Prince Antony ne sont jamais fades, elles vous donnent ce que vous voulez au moment où vous les touchez, et si votre cœur n’est pas avec elles, alors vous ne pouvez ressentir leurs vibrations, mais les fleurs, non, jamais elles ne sont fades, seuls les humains le sont.

Je vous dis à bientôt Prince Antony (puis je ne sais pourquoi j’écrivis)

Mon Prince

Antony

Antony déplia le parchemin et un sourire illumina son visage en lisant les derniers mots de Sirama. Il courut dans sa chambre, attrapa le plus beau morceau de parchemin en réserve et courut dans la serre pour s’y isoler.

Sirama…

Je suis comblé à l’idée de vous revoir bientôt… J’ai eu si peur de vous perdre le jour où vous m’avez fuit, m’abandonnant au milieu des fleurs. Ces fleurs Sirama… elles n’ont rien de magique… Je ne sais ce qui vous a troublez à ce point… Usez d’une telle ruse serait pour moi impardonnable, ce serait vous reléguer à un rang qui n’est pas digne de vous… Vous méritez beaucoup mieux…

Les fleurs Sirama… J’ai enfin trouvé leur nom… Amaris… Leur douceur envie votre regard… Penser que je puisse même l’espace d’un instant recroiser ce regard qui me hante jour et nuit me donne la force qui me tient éveillé… Vous me manquez… terriblement… cruellement…

Bien à vous.
Antony

Il enroula le parchemin autour d’une branche d’Amaris et sortit de la serre…

Sirama

Mon Prince

J'ai vu venir vers moi un oiseau mais pas n'importe quel oiseau, celui-ci était géant, il était si beau, tout feu, tout flamme, je ne sais pas si j’ai eu peur, j’étais trop absorbée par sa forme aérodynamique, mais quand j’ai pris conscience qu’il venait droit devant moi je n’ai pas hésitée une seconde je l’ai tué, oh mon Prince je me découvre forte face à l’ennemi mais pourquoi a-t-il mis tant de hargne à me détruire ? Que lui ai-je fait ?
Malheureusement ce n’était pas fini, d’autres arrivaient et mes forces s’épuisaient, je n’ai eu que le temps de m’accrocher à celui qui me donne vos missives, il m’a déposée dans un endroit où personne ne peut me voir, ni détecter ma présence par l’odorat.
Depuis je me repose, je panse mes plaies, je me promène de temps en temps, mais ici tout est vide, aucune fleur, aucun parfum, pas de soleil pour illuminer mes journées, pas de courrier de vous, pourquoi ne m’écrivez-vous plus ?
Comme je regrette de vous avoir offensé, humilié, mon Prince ne m’en voulez pas, c’était stupide de ma part d’avoir réagi ainsi, j’étais encore faible, sous l’influence de tas d’évènements qui venaient de se passer.
Comme j’aimerais revenir en arrière, effacer tout cela de votre mémoire et continuer à courir comme nous le faisions à ce moment là, rire, s’amuser d’un rien, mon Prince arriverez vous à me pardonner ?

Je pense à vous Mon Prince Antony

Je pliai soigneusement ma lettre et allai la donner quand j’entendis une brise légère.
Je me mis à courir malgré mes blessures, je savais ce qu’était ce léger bruit, je savais oui je savais, mon cœur battait si fort, je ramassai la lettre, ma lettre, celle qui m’était destinée, celle que Prince Antony m’avait écrite, je la portai doucement à mon visage, m’imprégnai de ce nouveau parfum en fermant les yeux…

Que faisais-je allongée au sol ? J’essayai de me relever, je ne pus, je portai ma main à ma nuque, oh non j’étais couverte de sang, je reçus un coup si fort, il ne fallait surtout pas que je m’évanouisse, je ramperais s’il le faudrait mais je ne devais pas mourir, non pas déjà, pas maintenant, je ne pouvais voir qui m’avait frappée de la sorte… les lettres !!! Où sont les lettres ? Oh non elles ne sont pas sur moi !!! Je regardai autour de moi et les vis à quelques mètres de moi, quelques mètres qui me paraissaient des kilomètres, je pris une concoction et me remerciai de toujours en avoir sur moi, je la bus d’un trait, attendis un peu pour retrouver un semblant de force et rampai jusqu’aux lettres, elles étaient tachées de sang, et je n’eus pas la force de recommencer, j’écrivis juste un petit mot derrière l’enveloppe ‘ ne vous inquiétez mon Prince, tout va merveilleusement bien’ puis je vis notre oiseau

-Apporte à Prince Antony, tu le trouveras
Je n’oubliai pas de lui faire une petite caresse pour le remercier.

Je regagnai tant bien que mal l’espèce de paillasse que je m’étais faite et bien à l’abri je tombai dessus littéralement.

Le fleuriste parcourut la lettre plusieurs fois, buvant les mots qui coulaient sur le papier. Ses mains tremblaient… de peur, de la savoir blessée, de se savoir impuissant… La colère montait en lui lentement… Il fulminait de se sentir trop faible pour lui venir en aide… Les derniers mots l’apaisèrent doucement, un sourire éclaira son visage, son cœur se mit à frapper, de plus en plus vite….

Jolie Sirama,

Vous savoir en danger fait naître en moi des sentiments qui me troublent énormément… comme il me tarde de vous revoir. Savoir que votre sang a coulé me rend malade… par pitié, revenez… Ne restez pas sur ces contrées hostiles, loin… des vôtres. Vous nous manquez… vous me manquez Sirama. Comme j’aimerais pouvoir vous montrer mes dernières créations florales… J’aimerais retournez dans ces plaines, celles là même où nous nous sommes séparés avant notre départ…

Ne vous excusez pas Sirama, les hommes sont parfois si manipulateurs… Je comprends votre méfiance, vos craintes… J’aimerais pouvoir vous prouvez que je ne suis pas comme eux, pouvoir vous dire à quel point vous me manquez…

Revenez-moi, je vous en conjure.
Je pense à vous… ma princesse.
Antony

Il roula nerveusement le message, l’accrocha à l’oiseau messager, priant pour qu’il ne soit pas trop tard…

Je ne sais combien de temps je suis restée sans connaissance, ce matin je me suis réveillée, et devant moi se tenait mon facteur préféré, je pense que c’est lui qui m’a réveillée de ce coma.
Il m’apportait une lettre de mon Prince.
Je me sentais mieux, mes blessures s’étaient cicatrisées, j’ai pu me lever, et repensai soudainement que je n’avais pas eu le temps d’ouvrir l’autre lettre, que je m’étais effondrée avant.
Que cela faisait du bien de savoir que quelqu’un pense à vous.

Mon Prince

Amaris… oui c’est joli pour des orchidées et tellement peu commun, vous me flattez Prince Antony avoir choisi Amaris l’envers de Sirama, qui aurait pu penser ça ? À part vous.

Antony Antony, vous me manquez aussi, j’aurai tant aimé vous savoir là, à mes côtés.

Je vais beaucoup mieux maintenant et je suis prête à partir vous rejoindre, c’est je pense ce qui me fait tenir debout, vous savoir là, quelque part, à attendre ma venue, je ne pensais pas que cela pouvait arriver, m’arriver, je fais tellement peu confiance aux hommes, comprenez moi, j’ai tant été bafouée, trompée, et même humiliée, je ne devrais pas vous dire cela, mais c’est la raison de ma méfiance.
Vous me semblez si différent, je pense ne pas me tromper, je l’espère tant, je crois que je ne m’en remettrais pas si nous devions pour une raison ou une autre arrêter notre correspondance.

Mon Prince je poste cette missive, je pars immédiatement et vous écrirai à nouveau lorsque je serai de retour.

Je ferme les yeux et doucement je m’approche de lui et l’embrasse sur la joue, sentira t’il ce baiser ?

Voila j’étais revenue chez les miens, quel voyage ai-je fait, quelle péripétie j’ai vécue, je me sentais encore faible.

Je pris une jolie feuille et ma plus belle plume

Mon Prince

Me revoilà chez nous avec les miens que j’aime tant, et me revoilà avec vous qui m’avez tant manqué.
Je me sens encore si faible, les seules forces qui me restent je vous les donne à vous, avant de m’effondrer épuisée par tant de voyages, je voulais vous dire que je vous attends pour une balade parmi vos orchidées au doux nom d’Amaris, ne croyez pas que je sois imbue de ma personne ou que sais-je encore, ni que cela soit de la prétention de ma part. mais j’aime ce nom que vous avez trouvé.

J’attends avec impatience le moment de vous retrouver, peut-être sur votre colline, reprendre le chemin là ou nous l’avons laissé, sentir votre main dans la mienne et marcher, courir, sentir les parfums.

Mais voyez vous je vais vous livrer mes craintes, nous nous éprenons l’un de l’autre par courrier, qu’en sera-t-il quand nous nous reverrons ?aurons nous la même joie ?
Cela me fait un peu peur mon Prince, nous nous voyons si peu.

Je vous laisse là et vous demande d’excuser mes questions.

Prince Antony vous me manquez aussi.

Je ne sais pas pourquoi mais soudain j’étais prise de panique à l’idée qu’il prenne mon écriture avec trop de légèreté, peut-être devrai-je…. Non je ne peux pas encore.

Trois jours... Trois jours que le fleuriste arpentait sa serre en tous sens … Trois jours qu’il n’avait plus de nouvelle d’elle. Longtemps il avait imaginé le pire avant de finir à des conclusions mois sordides mais toutes aussi douloureuses pour lui… * Je vous l’ai dit pauvre sot, elle vous a oublié… *. Abattu, il poussa la porte de la serre, traversa le repaire et sorti… Il stoppa net en voyant l’un des yéti se caresser étrangement le ventre. Trahi par un soubresaut de son abdomen, la créature ouvrit violement la bouge et recracha dans l’air une volée de plume jaune qui flottèrent quelques instants avant de venir se poser délicatement sur le bout de ses bottes…

Le cerveau du fleuriste bouillonnait. Les plumes… les dragons messagers… les lettres… Le yéti fixa l’intrus, un sourire penaud se dessinait sur son visage tandis que ses pieds se tournèrent vers l’intérieur.

« Kubiack ! » Antony fonça sur le yéti, les poings serrés. Plus il se rapprochait, plus le yéti se recroquevillait sur lui-même tel un vaurien pris la main dans le sac de sucre. Pendant quelques secondes, les cris du fleuriste se mêlèrent aux meuglements confus et aux hurlements moqueurs des yétis. Les poils se mirent à voler en tous sens, l’homme recula d’un pas, surpris par la soudaineté de l’action. Un rire violent clôt le combat et c’est victorieux que Parker tendit les lettres humides à Antony.

En d’autres circonstances, il se serait sans doute sauvé en courant face à l’impossibilité de la chose… Il se contenta pourtant de s’écarter lentement en ouvrant les lettres maculées de salive. Un sourire de béatitude éclaira son visage tandis qu’il buvait les paroles de Sirama. Il se retint de hurler et fonça à l’intérieur. Elle était revenue… Il respirait de nouveau… Il grimpa les escaliers et s’arrêta devant sa chambre, leva la main vers la porte, hésitant à la réveiller…

Sirama s’étant approchée de la fenêtre, elle vit Prince Antony en corps à corps avec un yéti, elle poussa un hurlement, s’habilla à la hâte et courut rejoindre Antony pour lui venir en aide.
Elle s’approcha de la créature qui gisait dans son sang et pas de trace du Prince, elle jeta un regard au sol et vit l’oiseau, enfin ce qu’il en restait, ‘tout cela ne présage rien de bon’ se dit-elle ‘et si le yéti avait ingurgité le Prince !!!’ ‘Non impossible, il est bien plus fort que cet espèce de gros patapouf’.
Elle décida d’aller chez lui, c’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans sa serre, il y avait tant de plantes, tant d’odeurs, et là les orchidées Amaris qu’elle n’avait pas eu de mal à reconnaître, il faisait humide et bon dans cet endroit, et elle comprenait facilement le besoin d’isolement du Prince, son besoin de solitude, en se promenant encore elle sourit à la vue du parchemin où il couchait ses mots pour elle, quelques fleurs séchées, elle poussa un soupir.
Puis elle repensa à l’oiseau, son ami qui lui apportait les lettres de son Prince, il n’était plus, elle essuya une larme qui se mit à descendre sur sa joue, se ressaisit ‘décidément, se dit-elle, tu n’es pas assez forte, tu dois parcourir le monde, aller à la découverte d’autres aventures, faire face au danger, ne pas déguerpir au premier monstre qui fonce sur toi, et ne pas verser une larme parce qu’un oiseau est mort’ ‘oui’ me dis-je c’est cela.
Elle prit ce parchemin, son parchemin et elle commença à écrire, à lui écrire

Je ne sais pas ce qui a pu vous arriver, j’ai vu la scène avec le yéti, l’oiseau mort, je ne sais pas où vous êtes, j’ai eu très peur de vous savoir mort mais mon instinct me rassure, je vous sens ici, pas très loin.
Prince Antony, la larme que j’ai versée pour l’oiseau facteur me fait comprendre que je suis bien trop émotive, bien trop faible, je dois m’endurcir, je dois affronter le monde et ne pas me cacher, je dois aller de l’avant, je vais me battre pour gagner, pour acquérir cette force, je n’aurai jamais la force d’un guerrier mais vous m’avez transmis le pouvoir…le pouvoir des fleurs…vous voyez il est temps pour moi de partir à la conquête du monde.
Je ne sais comment nous parviendrons à communiquer, je ne sais encore qui apportera nos courriers, sans doute que la destinée à parlé et que nos routes se séparent ici.
Je ne sais rien de l’avenir, je ne sais rien du présent, je sais juste qu’il faut que je m’éloigne pour être de plus en plus forte.
Je sais votre déception, je sais votre errance dans votre serre, je ne vous oublierai pas, non je ne vous oublierai jamais.

Je posai le parchemin sur la petite table, regardai une dernière fois ce lieu magique, unique, puis je partis à la conquête… sans doute la mienne.

Il resta là de longues minutes, n’osant tirer la jeune femme des bras de Morphée. Elle avait besoin de se reposer, il se mordit la lèvre et finit par tourner les talons. Sur un nuage, le fleuriste dévala les escaliers et se dirigea vers la serre. Le visage de Sirama, son parfum, tout lui semblait si proche, comment avait-il pu ne pas sentir sa présence ? Il s’en voulait de ne pas avoir été là pour l’accueillir, d’avoir raté ce moment des retrouvailles, trop occupé à veiller sur ses compagnes de toujours. L’âme en peine, il se dirigea vers la serre, le bonheur des retrouvailles avait laissé sa place à l’amertume du temps perdu.

Il tourna machinalement la tête vers la porte du repaire en longeant le couloir et ses jambes se dérobèrent. Elle était là, à quelques mètres… Il lâcha un cri sans même s’en rendre compte…

- SIRAMA….

Comme un automate, elle marchait droit devant elle, se demandant tout de même comment il avait pu faire pour créer une serre ici ? Comment pouvait-il composer de nouvelles fleurs ?
Elle revoyait la scène du yéti, elle voyait la force, la puissance du Prince, elle revoyait la serre, ses compositions, ses fleurs aux milles et un parfums, elle revoyait la colère du Prince, qui, finalement ne lui allait pas si mal que ça, elle essaya de se remémorer si elle l’avait vu dans cet état déjà, non jamais, c’est vrai jamais, elle le connaissait par sa courtoisie, sa galanterie, sa pure gentillesse, ses mots qu’il choisissait pour elle, elle connaissait ses craintes, ses angoisses, l’avait vu rire et se détendre, elle avait vu une larme couler sur sa joue aussi, elle le connaissait dans l’élégance, parce que Prince Antony est l’élégance même.

Mais elle ne l’avait jamais vu se battre, il ne lui était pas venue à l’idée qu’il pouvait se battre, elle l’imaginait toujours dans sa serre, un peu éloigné de tout, sifflotant sûrement de temps à autre, bougonnant aussi, elle souriait à cette idée, le savoir là bougonnant parce que telle composition n’a pas fonctionné !!! Voila comment elle l’imaginait, un crayon à la bouche toujours prêt à écrire un ou deux mots.
Mais tout cela était dans son imaginaire, et le crayon se changea en arme redoutable.
Elle s’assit, elle n’était pas choquée, non, surprise, décidément il cachait beaucoup de choses, ou ne voulait pas en parler ; cette force d’où lui venait-elle ? Cette rage qu’il avait en lui face au yéti, d’où vient-elle ? Et comment après s’être battu ainsi pouvait-il rester calme ?
Voila me dis-je, je n’aurais jamais la réponse à mes questions, puis regardant droit devant elle, elle le vit, là, criant son prénom, criant SIRAMA

Elle restait assise, essayant de dominer ses émotions, essayant même de les analyser, essayant de comprendre, de voir, de sentir si ce qu’elle sentait, là, à cet instant, était de l’amour ou simplement de la joie de le revoir, tout était comme au ralenti, je le regardai, ni l’un ni l’autre n’avions fait un pas, de peur sans doute que cet instant de bonheur s’en aille très vite.
Il était là devant moi, il était là avec cette élégance de toujours, il était là devant moi, avec sa force d’aujourd’hui.

Incrédule, Antony resta immobile, les bras pendants, les mains moites. Son cœur martelait sa poitrine, jusqu’à la rupture. Il aurait voulu parler, lui dire combien il était heureux de la voir, comment il se sentait revivre. Sa simple présence avait comblé le gouffre qui s’était creusé dans son âme, dans ses trippes lorsqu’elle avait disparu. Elle était si belle… trop belle pour lui avait-il pensé…

Elle était pourtant bien là, à quelques mètres à peine. Plus rien n’existait, plus rien ne comptait, il n’y avait plus qu’elle… Cet instant, il en avait rêvé éveillé, des nuits qu’il ne parvenait plus à fermé l’œil, cherchant cette présence qui lui manquait tant. Son visage, il l’avait conservé auprès de lui pendant son absence, il l’avait inspiré dans ses créations, dans le travail où il s’était réfugié, cherchant à oublier la solitude qui le torturait. Rien n’y avait fait, il avait fini par délaisser ses fleurs, optant pour un poste d’observation près de la fenêtre, les yeux rivés sur le ciel, attendant impatiemment l’arrivée du messager ailé. Sans ses maudits yétis, il aurait su qu’elle revenait, il aurait pu aller à sa rencontre pour ne pas perdre la moindre seconde…

Son cœur accéléra, encore un peu plus, tandis qu’il avançait timidement vers Sirama, les yeux brillants. Un frisson glissa sur sa peau lorsque son parfum vint joué avec ses sens, comme un avant goût. Il sourit et s’assit à ses côtés, sans un mot. Le charme ne devait pas être rompu, pas maintenant, pas tout de suite. Il voulait en profiter, encore, profiter de ce sourire qui le faisait fondre, de ses yeux qui lui donnait l’énergie, il voulait être là, près d’elle…

Elle fut prise et éprise de son silence, elle dansait avec les mots qu’il ne disait pas.
Son bras venant frôler le sien…un frisson parcourut sa colonne vertébrale, ses yeux lui brûlaient, elle les ferma. Comme des braises ardentes le désir était trop fort, elle ne voulait pas, pas encore.

Elle posa enfin son regard dans le sien, de ses doigts elle caressa le visage de son Prince, elle fit le contour de ses lèvres, puis elle lui ferma les paupières, elle s’approcha de sa nuque, respira son odeur, son parfum, elle savait qu’il l’attendrait.
Il ne bougeait pas, elle l’entendait penser, elle voulait rire, elle le voulait lui, mais pas là, pas ici, pas comme ça.

Elle se leva sans un bruit, prit une petite branche et fit des flèches tout le long du chemin qu’elle faisait.
Déjà elle n’apercevait plus son Prince, elle espérait seulement qu’il vit ses flèches.

Le contact de ses doigts sur sa peau tétanisa Antony, ressentir de nouveau cette sensation lui fit perdre la raison. Il ne dit rien, ne bougea pas, il profitait de ce moment si intense qu’il espérait depuis si longtemps. Ses cheveux effleurèrent la joue du fleuriste lorsqu’elle se pencha sur lui, son souffle glissait sur sa peau comme une vague de plaisir, un délice auquel il n’avait même pas osé rêver… Elle jouait avec ses sens, se jouait de lui, pour son plus grand plaisir…

Il aurait voulu la serrer dans ses bras, la sentir contre lui, caresser sa peau pourtant il n’esquissa pas le moindre geste. Ne pas brusquer les choses, profiter, voilà ce qu’il faisait, il aurait voulu se noyer dans son regard, que cet instant dure à jamais…

Mais elle se leva, Antony eu l’impression qu’une partie de lui s’éloignait, que son cœur se déchirait. Son âme ne lui appartenait plus, il se serait damné si elle lui avait demandé. Il la regarda s’éloigner lentement, chaque pas de la jeune femme accélérait les battements de son cœur. Sa poitrine se souleva violement, comme pour le tirer de ses songes, lorsqu’elle disparu dans l’horizon. Un frisson courut le long de son dos, lui glaçant le sang. Comme un automate, il se leva et partit dans sa direction, il devait la retrouver, maintenant, et ne plus jamais la quitter. Il la voulait, pour l’éternité…

Il marcha le long d’un sentier, suivant les indices qu’elle lui avait laissés. Son cœur frappait plus fort à chaque pas, prêt à surgir de sa poitrine, cage devenue trop petite pour retenir ses émotions. Le regard fixé sur l’horizon, il accéléra la cadence, paniqué à l’idée qu’elle l’ait abandonné. Seul face à ses angoisses, le souffle lui manquait, sa tête tournait, sa vision se troublait. Il vacilla un instant, son corps ne lui répondait plus, il ne lui appartenait plus…

Il chercha l’air, gonflant ses poumons de cet oxygène salvateur et reprit sa route… Sa respiration s’accéléra enfin, son cœur frappa comme un forcené contre ses côtes… Elle était là, assise sur un rocher, à quelques mètres seulement…

Il l’avait retrouvée, elle souriait, elle lui tendait la main.
Cette fois elle ne s’échapperait pas, elle resterait quoiqu’il arrive, même s’il devait y avoir un gros orage, même si la pluie devait battre son plein, elle resterait même si la guerre devait de déclarer là, à cet instant, elle ne l’entendrait pas de toutes façons.

Comment cela était il arrivé ? Comment son amour s’était il manifesté ? Et puis, se dit elle, est-ce de l’amour ? Où est-ce seulement du désir ?

Elle souriait toujours, chassait ses drôles de pensées et n’avait qu’une envie, qu’il vienne, qu’il prenne sa main, qu’il lui fasse tourner la tête, qu’il la fasse rire, danser, qu’il lui raconte ses fleurs.

Elle le voyait s’approcher, elle pouvait entendre son souffle, elle ferma les yeux…

Antony se mit à trembler de tous ses membres en approchant de Sirama. Depuis qu’il suivait ses traces, il se répétait les mots qu’il s’était juré de lui dire. Mais là, sa langue se noua, son cerveau s’embrouilla… Il paniquait… Et si elle le rejetait, et s’il s’était trompé, si elle ne partageait pas ses sentiments, et si… Il ferma les yeux un instant, chassant les doutes qui l’assaillaient. Il les rouvrit et s’approcha d’elle. S’agenouillant devant Sirama, il tandis le bras et saisit ses mains tendrement. Ce contact lui manquait depuis si longtemps…

Il aspira une grande bouffée d’air pour se donner du courage. Ses doigts glissaient sur la peau pâle, trahissant sa nervosité. Il hésita quelques secondes avant de se lancer…

- Sirama, je… vous… enfin…

Il se maudissait de ne pas trouver les mots et plongea dans son regard.

- Je ne sais comment vous demander… de ne plus vous éloigner de moi… de ne plus m’abandonner… Mon âme pleure en votre absence, elle vous pleure. Mon cœur vous appartient Sirama, à vous et à vous seule… Il ne bât que pour vous… Je… je vous aime Sirama….

Il puisa dans ses ressources pour soutenir son regard…

Sujet: Re: Le pouvoir des fleurs Sam 2 Sep 2006 - 15:37

… Prince je sais que vous m’entendez…

Ne faite pas cela, ne détruisez pas vos fleurs, regardez comme elles sont belles, plus belles que jamais.
Je n’aurais jamais pu être vôtre, il n’y aurait eu que tristesse dans votre regard et je ne veux pas de cela, ne pensez pas que jamais je ne vous ai aimé, ne le pensez jamais.
Ne soyez pas en colère, j’ai tout un nouveau monde à parcourir, avec tant d’amour à donner… non je ne vous parle pas de cet amour terrestre, il me semble un peu trop destructeur, je vous parle de celui-là… celui là même qui est empli de compassion.
Mais je sais qu’avant il me faudra payer très cher le fait de m’être ôté la vie et que mon exil n’est pas fini.
Pardonnez ce geste incompréhensible, je sais qu’il suffit de peu de choses pour que cela n’arrive pas… oui je le sais.
Mon Prince je ne pleure pas, je me sens même bien, j’ai emmené avec moi le parfum de vos fleurs, la couleur de votre amour.

… je dois partir maintenant…

Ayez le courage d’aimer à nouveau, parce que vous ne pouvez vivre sans amour, ayez ce courage, cette force, puisez dans l’énergie même de la vie, ayez cette volonté qui fait que toujours quoi que l’on fasse on tient debout.

… je pars…

Prenez… oui prenez c’est pour vous… des milliers de pétales de fleurs qui tombent pour vous… Mon Prince.

Sujet: Re: Le pouvoir des fleurs Jeu 7 Sep 2006 - 15:36

Assis à côté du lit sur lequel reposait le corps de Sirama, Antony pleurait. Il serrait la main de la jeune femme. Le corps privé de vie communiquait sa froideur, sa pâleur. Le fleuriste resta prostré de longues heures. Depuis combien de temps était-il là ? Même lui ne le savait pas, le temps s’était arrêté lorsque cette lame tranchante était venue lui arracher celle pour qui il était prêt à offrir sa vie.
Le sol recouvert de pétales lui rappelaient tristement qu’elle n’était plus, plus de ce monde…Les mots de Sirama raisonnaient encore dans son esprit torturé.

L’air se fit plus lourd, vibrant ; des spirales de chaleur se formèrent devant lui, de l’autre côté du lit. Le Premier Juge apparu, le regard planté dans celui d’Antony. Le prince resta tétanisé sur sa chaise, paralysé, a bout de force. Les ailes claquèrent dans l’air en se repliant, tirant Antony de sa léthargie latente. Le buveur de sang s’avança jusqu’à ce que le prince sente son souffle sur son visage, la chaleur des Enfers. Il leva les mains vers lui et les posa sur ses tempes avant de fermer ses yeux de feu. L’esprit du fleuriste s’agita, tout s’obscurcit autour de lui. Puis la lumière revint, intense, brûlante.
Il revit la scène, cette femme qu’il ne connaissait pas faisait face à Sirama. Il écouta, revivant chaque instant, chaque mots échangés entre la prêtresse et Sirama.

…Je n’ai pas de détresse, mais de la colère, l’autre moitié de moi l’avait cette détresse et qu’en ont-ils fait ? L’ont ils écoutée ? L’ont ils aidée ? Une seule fois ? Ne serait-ce qu’une seule fois ?...

Un douleur frappa Antony à la poitrine, poignardée par les mots de la jeune femme. Trahi, elle l’avait trahi, elle s’était jouer de lui. Qu’avait-il été exactement ? Un instrument de plaisir ? Un mouchoir dans lequel elle avait essuyé ses larmes avant de le jeter aux ordures ? Et ces larmes, était-elle sincère ? N’était-ce aussi qu’un subterfuge pour arriver à ses fins ? Ses lettres, ses déclarations d’amour… La voie du Juge envahit l’esprit d’Antony Mensonge, tout n’était que mensonge… Elle t’a abandonné Antony, comme elle abandonnera sa nouvelle proie quand elle sentira que son jouet ne l’amuse plus…

Antony bondit en avant, revenant soudainement à la réalité. Debout dans la serre, il serra les poings en regardant le corps inerte. La douleur disparu, il n’était plus que colère… Il empoigna les pieds de Sirama et tira sèchement dessus, renversant le lit. La tête heurta le sol dans un bruit sourd. Il l’emporta vers la sortie de cette maison où elle n’avait plus rien à faire, la traînant sur le sol comme un vulgaire sac. Le corps heurta plusieurs fois les murs, les portes avant de se retrouver à l’extérieur. Il contourna le repaire et pris le chemin du village. George regarda passer le prince et son étrange fardeau.

Il devait l’emmener loin, le plus loin possible de cette maison, loin de lui, loin de ceux sur qui elle avait craché, ceux qui l’avait aimé, chérie, réconfortée… Quelques minutes plus tard, il s’arrêta à l’entrée du village. Il pénétra dans la cour de la ferme et grimpa sur le tas de fumier. Sans un regard, il lâcha le corps inerte qui saignait, se vidant de sa substance, meurtri par les pierres heurtées sur le chemin.

Antony pris la direction du repaire, il avait besoin de siens, eux ne le trahiraient pas…

» [HRP] Le pouvoir des fleurs